Séparatisme : Entretien avec Florent Boudié, rapporteur général de la Commission spéciale

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Florent Boudié, député La République en marche (LREM) de la 10ème circonscription de Gironde et rapporteur général de la Commission spéciale chargé d’examiner le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », a répondu aux questions d’InfoChrétienne.

Le projet de loi « pour conforter les principes républicains » suscite des réticences chez les représentants des différents cultes qui s’inquiètent de ce renforcement du contrôle de l’Etat. La Conférence des Eglises européennes a également exprimé son inquiétude sur ce projet de loi qui pourrait impacter « la liberté d’expression et de religion ».

Pour Florent Boudié, ces inquiétudes ne sont pas justifiées et traduisent un manque d’informations sur le texte de loi. Selon lui, « il n’y a pas une disposition du projet de loi qui atténuerait, amoindrirait ou remettrait en cause la liberté de conscience, la liberté religieuse et le libre exercice du culte ». Il estime que l’application de la loi confirmera ses propos et que les critiques à l’encontre du texte seront vites oubliées.

InfoChrétienne : Pouvez-vous présenter en quelques mots ce projet de loi et ce qu’il préconise ?

Florent Boudié : L’ambition de ce projet de loi c’est d’abord de lutter contre toutes les formes de communautarisme, de séparatisme. De lutter contre toute volonté de faire corps à côté de la société civile partout où ces risques peuvent s’introduire et surgir par exemple dans les services publics, dans un certain nombre de structures associatives dont les associations cultuelles. C’est un texte qui est par nature régalien et qui cible les moyens dont il faut doter les services publics et privés pour contrecarrer, parfois même réprimer, les dérives communautaires et séparatistes.

Une très grande variété de secteurs d’activité sont donc concernés par ce texte, puisqu’il touche à la fois à la loi de 1905 et au fonctionnement du service public. Un des points centraux de ce projet de loi c’est l’extension du principe de neutralité à l’ensemble des agents, qu’ils soient dans un organisme de droit privé ou de droit public, qui exercent une mission liée au service public (Article 1).

InfoChrétienne : Pourquoi est-ce que vous pensez que la loi 1905 nécessite aujourd’hui une réécriture ?

Florent Boudié : L’objectif c’est de faire en sorte que les cultes qui sont aujourd’hui placés sous l’égide de la loi 1901 basculent vers la loi 1905. L’effet attendu de la loi dans son application, c’est un basculement progressif et massif de 1901 vers 1905, ce qui nécessite donc d’introduire un contrôle supplémentaire à la loi 1905 pour anticiper ce basculement.

La disposition de l’article 27 qui consiste à ce que pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, ces associations déclarent au préalable leur qualité cultuelle au représentant de l’État dans le département. Cela a pour but de prévenir le fait que de nombreuses associations 1901 vont devoir basculer vers 1905 et donc devoir clarifier la nature de leur activité. C’est un point qui a été extrêmement critiqué de la part les cultes les plus installés, mais c’est un point qui concerne surtout les associations mixtes qui sont pour beaucoup musulmanes. Il est évident que nous avons besoin de nous assurer qu’elles puissent déclarer être seulement des associations cultuelles.

Il est également nécessaire pour tous types d’associations cultuelles que les financements obtenus de l’étranger ne deviennent pas des moyens d’ingérence auprès des cultes français. C’est pourquoi le projet de loi préconise une vigilance accrue de la part de l’Etat vis-à-vis des financements étrangers, ainsi que la mise en place de meilleures dispositions comptables .

Enfin, une autre disposition importante, c’est qu’en anticipation d’un basculement vers 1905 des associations mixtes on demande la création d’un Conseil d’administration ou d’un bureau, pour que les associations puissent s’organiser de façon plus collégiales (Article 26). C’est pour éviter des effets de rapport de force interne qui parfois font basculer sous forme d’une prise de pouvoir idéologique. La collégialité doit donc pouvoir être introduite pour les associations qui n’ont pas recours à ce système, pour celles où c’est déjà le cas, elles n’auront pas à renoncer à leur manière de fonctionner.

InfoChrétienne : Que pouvez-vous dire aux chrétiens qui pensent que ce projet de loi menace la liberté de culte ?

Florent Boudié : Je ne peux que leur dire qu’ils sont mal informés et qu’ils n’ont manifestement pas lu le texte de loi. Peut-être ont-ils simplement eu connaissance d’interprétations orientées.

Les trois principales mesures ne me semblent en aucun porter atteinte à la liberté de culte.

Il s’agit d’abord que la qualité cultuelle soit définie de prime abord et non plus au fil de l’eau comme cela pouvait être le cas. Un représentant de la loi sera chargée de vérifier si une association respecte bien la loi 1905, c’est à dire qu’il s’agit bien d’une association exclusivement cultuelle. Si c’est le cas, l’association pourra bénéficier des avantages fiscaux liées à 1905 et ce pendant une durée de cinq ans. Les associations cultuelles qui font déjà partie de cette catégories ne seront pas soumises à une enquête aussi dense, cela concerne plutôt les nouveaux entrants.

Ensuite, les associations cultuelles ne pourront plus se contenter d’avoir seulement un dirigeant et une assemblée générale mais elles seront contraintes d’avoir un organe intermédiaire que ce soit un bureau ou un Conseil d’administration. Cela oblige une vision démocratique.

Enfin, la traçabilité des financements étrangers. Il s’agit de s’assurer que les financements étrangers maintiennent une impartialité vis-à-vis des cultes qui exercent sur le territoire français au delà d’un montant de 10 mille euros. Je ne crois pas que ce soit une atteinte à la liberté de culte.

C’est vrai qu’il y aura des contraintes supplémentaires et des obligations comptables. Mais tout ceci est mieux compris lorsque l’on anticipe que beaucoup d’associations 1901 devront rejoindre 1905 et que par conséquent il faudra que la puissance publique ait une force accrue de contrôle. Je pense qu’une fois le texte de loi sera appliqué les critiques seront vite oubliées ainsi que les contestations excessives qui ont été faites.

InfoChrétienne : Que pensez-vous de la déclaration de François Clavairoly, qui citant Aristide Briand avait déclaré que « la loi doit protéger la foi » ?

Florent Boudié : Je pense qu’il a raison. Mais en langage républicain, en tant que député, je dirai que la République doit protéger la liberté de conscience et par conséquent, elle doit protéger la liberté religieuse et par conséquent elle doit protéger le libre exercice du culte. À la condition, du respect de l’article premier de la loi 1905.

La République doit garantir le libre exercice du culte à la condition du respect de l’ordre public. Il n’y a pas une disposition du projet de loi que nous allons adopter demain je l’espère, qui atténuerait, amoindrirait ou remettrait en cause la liberté de conscience, la liberté religieuse et le libre exercice du culte.

L’application de la loi confirmera mes propos et les plaintes émises apparaitront très loin de l’effectivité de la loi.

InfoChrétienne : Après deux semaines de débat et alors que sur les 2700 amendements déposés, seulement 144 ont été adopté à l’Assemblée, êtes vous satisfait ?

Florent Boudié : Il s’agit en réalité de bien plus que 144 amendements. Car au total sur les 55 heures passées à examiner le projet de loi en Commission spéciale, 169 amendements ont été adoptés. C’est donc 169 amendements plus les 144 amendements adoptés en séance. Des amendements venus de tous les bancs de l’Assemblée. En effet beaucoup d’amendements des Républicains ont été adoptés, ainsi qu’un amendement du Parti communiste qui propose de ne pas retirer leur titre de séjour aux femmes victimes de polygamie.

Si beaucoup de commentateurs ont considéré que ce projet de loi a suscité beaucoup moins de divisions que ce que l’on avait anticipé, c’est sans doute aussi parce que, que ce soit moi en tant que rapporteur, ou le gouvernement, nous avons veillé à intégrer beaucoup de dispositions et de remarques faites sur tous les bancs. C’est ce qui fait, entre autres, que de nombreux articles de ce texte que l’on avait annoncé comme abrasif, ont été adopté souvent à l’écrasante majorité. C’est donc 169 amendements plus 144 qui ont été adopté, ce qui est un chiffre significatif.

Camille Westphal Perrier


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